Chronique D’UN SUCCÈS ANNONCÉ
Laisse-moi d’abord poser un peu de contexte. On est le 25 février 2022, Elden Ring, le nouveau poulain du studio FromSoftware, sort sur la plupart des consoles. Les 10/10 volent, des personnes ont déjà fini le jeu en quelques heures. Bref, c’est un carton. Durant cette tempête médiatique je me vois dans l’obligation de vivre en reclus, couper contact avec tous mes proches, vivre ma pire vie dans un bois reculé de la Sibérie.
Il faut me comprendre, c’était ça ou me gâcher le modèle de l’orteil gauche d’un boss, un sort pire que la mort.
Tu trouves que j’exagère ? Peut-être un peu, oui, j’avoue. Mais bon, le jeu fait du bruit, et à l‘entendre, c’est un succès.
Il faut dire que c’est pas l’inquiétude qui manquait ; Cyberpunk 2077, que tout le monde attendait comme le retour en forme de CD Projekt, déçoit a coups de bagnoles qui lévitent et de gens qui traversent les murs, le tout guindé d’une sortie aux images par seconde qui n’ont rien à envier à un Powerpoint. C’est dommage, même Keanu Reeves n’arrive pas à sauver la réception du jeu, et tout le monde aime ce gars, c’est pour dire…
Dans le cas de Elden Ring, c’est pas l’élu de la matrice qui porte le jeu, mais notre bon vieux George R.R Martin, auteur inachevé de la saga Le Trône de Fer, qui s’occupe de la mythologie de l'univers ainsi que des personnages. C’est un cocktail parfait : Martin s’occupe de faire mourir dans d’énormes souffrances les personnages ( on le connaît, à force) et Miyazaki s’occupe de tuer le joueur un bon paquet de fois. C’est un beau mélange de douleur physique et émotionnelle.
Pas mal du tout, FromSoftware, pas mal du tout.
Bref, Elden Ring doit porter le lourd fardeau de satisfaire et les fans de Dark Souls , et les nouveaux venus, 6 ans après la sortie du dernier opus.
« Mais c’est pas un Dark Souls, si ?? » Et bien… Oui et non. Au niveau de la trame, c’est a peu prés la même chose.
Le jeu place son décor dans un territoire déjà ravagé, les Midlands. Au centre de ces landes, l’Erdtree, arbre sacré, apporte sa bénédiction aux habitants du royaume de Marika. Le temps fait malheureusement son affaire et l’éclat s’affaiblit, forçant les populations à l’exil. Bientôt, c’est l’Anneau d’Elden qui éclate, et les morceaux de celui-ci ne tardent pas a être disputés par les descendants de Marika, des demi-dieux dont les corps sont corrompus, souillés par la soif du pouvoir perdu.
Quelle place pour le joueur dans ces Midlands décadentes ? Et bien, celui d’un sans-éclat revenu de son exil, prêt a ré-briller de mille feux à coups d’épée et de magie pour mettre une fin à la lignée maudite de Marika.
La lutte pour préserver un monde qu’il est impossible de sauver, le rapport nocif à la divinité, le sublime. Voilà une formule à sucés, avec un gameplay au final assez similaire, insistant sur le genre du RPG (Rôle Playing Game).
Il ne va pas s’agir ici de bourriner son chemin jusqu’au boss de fin en enchaînant les décapitations. Tu es un petit être dans un très très grand monde, et qui te veut du mal en plus, manque de bol.
Tes jambes et quelques notions en gymnastique seront tes armes les plus précieuses, te permettant d’esquiver à peu prés tout ce qui fonce droit vers toi.
LA DARK FANTAISIE/ QUAND LA FANTAISIE VIRE AU CAUCHEMAR
Mais pourquoi tant de haine ?
Je suis désolé, mais c’est la dark fantaisie qui veut ça. Comment la définir ? C’est de la fantaisie...mais dark.
Déçus ? Oui, moi aussi.
La fantaisie est un genre littéraire popularisé au XXème siècle par des auteurs tels que Tolkien. Elle base ses créations sur des mondes souvent beaux et bons, aux personnages loufoques mais foncièrement attachants . Des nains, des elfes, toute la clique de gentils, prêts à sauver le monde des forces du mal. Les méchants sont bien trop méchants pour mériter quoi que ce soit de bien, et finissent par être éliminés, dans un schéma classique de lutte opposant la vertu et le vice.
Comment briser cette formule ? La réponse est simple voyons: Une bonne petite dose d'ultra violence!
Dans la dark fantaisie, ça couche à tout va, ça tue sans scrupules et surtout ça dit des gros-mots. L’Univers est gris dans ses décors, souvent décadents, torturés, mais aussi sur le propos, s’intéressant davantage à des héros qui n’en sont pas vraiment, et qui s’adaptent tant bien que mal à leur univers. L’espoir n’est jamais tout à fait perdu mais il est difficile d’en trouver.
Illustration de l'Appel de Cthulhu par
Gwabryel. Très beau, mais je préfère
rester chez moi .
C’est surtout durant les années 80 qu’elle s’impose dans les rayons des libraires et des boutiques de DVD, pour le plus grand malheur des parents qui devront payer une thérapie à leurs gosses. Si tu veux te noyer dans ces univers, je peux te recommander l’œuvre de HP Lovecraft (bien qu’elle soit apparue avant l’utilisation du terme) ainsi que le manga Berserk, de Kentaro Miura.
À découvrir en famille !
MAIS ALORS QU’EST-CE QUI DIVERGE ?
Oui donc c’est un Dark Souls avec un arbre en plein milieu quoi...Pas vraiment !
Si l’univers des souls-like est avant tout linéaire, proposant des bifurcations ou des raccourcis qui font les liens entre les différentes zones ; Elden Ring s’impose comme un monde ouvert, s’offrant au joueur dans son ensemble des que le tutoriel est fini, sans toutefois délaisser des zones plus labyrinthiques dans le même esprit que celles de ses prédécesseurs.
Dans une impressionnante démonstration d'ambition, tout ce qui était déjà présent dans les souls, on le retrouve puissance dix, par exemple, la diversité en habilités et en armes.
Pour vous donner une idée, on compte 309 armes et 559 pièces d’armure dans le jeu, disposées pour la plupart dans la carte du jeu, ou bien en vente par des personnages. C’est peut-être beaucoup, mais au moins faut pas les acheter séparément comme avec d’autres studios que je ne mentionnerais pas .
N'ayez crainte, preux chevalier, vous aurez une monture qui défie les lois de gravité mais qui vous permettra de vous déplacer à votre guise.
Le jeu propose même des combats à cheval qui sont honnêtement assez agréables tant que la caméra ne se retourne pas contre toi .
Les premières heures du jeu peuvent se résumer de la sorte :
-J’ouvre une porte et une magnifique étendue jaunâtre prête a être explorée se dévoile a mes yeux éblouis. J’allume mon premier feu, point de sauvegarde, et plus qu’a y aller.
-Un énorme chevalier rôde dans les parages, bien plus puissant que moi. Je prends mon épée rouillée, mon expérience avec les souls , ainsi que mon courage à deux mains et je l’affronte.
-Il peint les arbres avec mon sang jusqu’à ce que je comprenne que le monde est grand et qu’il y a beaucoup de belles choses à voir.
C’est bien ce qui est pratique, après tout; quasiment tous les combats sont optionnels. On affronte pour le plaisir du duel et on explore pour le plaisir de la découverte ; la destination n’est que vaguement indiquée par un trait lumineux lors des lieux de sauvegarde.
Dans un marché déjà saturé par la formule open world, Elden Ring s’impose en ce qu’il est l’un des seuls a proposer une expérience vraiment libre, c’est un retour en enfance, où tout semble possible.
En ce qui me concerne je me plais a poncer le jeu, mais libre à toi de faire selon ton temps/ envie.
C’est peut-être au dernier quart que l’émerveillement commence à laisser place à un peu de lassitude. Les boss se répètent, le monde est très grand mais certaines zones te font poireauter dans l’espoir d’une ruine ou d’un donjon qui n’apparaît pas.
De la même façon, le dopage commence à devenir un vrai problème en ce qui concerne la course à l’anneau de l’Elden. Si l’exigence fait le charme du jeu, affronter un demi-dieu a qui l’on offre quatre épées et une bonne dose de stéroïdes pendant que l’on s’agrippe désespérément à la vie serait plus fun si l’on pouvait en placer une de temps en temps. C’est un peu comme du jazz, si le jazz consistait à se faire tabasser avec le saxophone.
Ce qui nous amène à la musique ! Avec une orchestrale tellement vénère qu’on en arrive même à aimer toutes les violences subies. C’est un peu toxique dit comme ça, mais bon. D’autres morceaux, plus discrets, se font découvrir par inadvertance, en explorant, rajoutant une couche d’atmosphère discrète, mais pas déplaisante du tout.
MAIS DU COUP, EST-CE QUE L’ANNEAU DE L’ELDEN VAUT SON PRIX?
Elden Ring n’est certainement pas pour tout le monde. La difficulté du jeu requiert une patiente de la part des joueurs, qui doivent parfois accepter quelques mécaniques un peu injustes. De la même façon, la grandeur du monde est à la fois sa force et sa faiblesse, pouvant fasciner mais également intimider. Les fans de la saga Dark Souls navigueront sur du territoire familier mais pas nécessairement répétitif. Le jeu s’impose comme un best-off des qualités du studio, tout en proposant assez de nouvelles idées et sur l’univers, et sur le gameplay pour avoir sa propre identité.
À consommer sans modération ! (Mais n’abuse pas quand même, c'est pas bon pour la tension artérielle).
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